ATTENTION Y'A DU GROS SPOIL-SPOILER !!D'habitude, après avoir lu un bouquin que j'ai adoré, je prends toujours quelques jours pour relire certains passages qui m'ont plu... prolonger la magie, tout ça.
Avec La Clé des Vents, la relecture partielle s'est transformée en relecture tout court lol donc je l'ai lu 2x à la suite (oui c'est vrai qu'il est court).
Ma 1e impression : rhaa ça fait trop du bien de retrouver le ka-tet du 19 !
Seconde impression : Stephen King s'est fait plaisir et en ce qui me concerne ça a été franchement communicatif.
Le truc, c'est que j'ai pas vraiment été déçu (peut-être juste un peu frustré pour certains trucs, j'y reviendrais), parce que je savais d'avance à quoi m'attendre. Un roman de moins de 300 pages morcellé en plusieurs histoires, imbriquées les unes dans les autres.
Ma seule frustration par rapport à ce format, c'est que j'aurais preféré que les histoires se recoupent les unes les autres, un peu comme les incessants flashback-retours au présent dans Ca. Mais pour cela, il aurait peut-être fallu également que le roman soit plus long, plus ambitieux... ce qui apparemment n'était pas le souhait de SK, qui voulait juste s'amuser un peu en retrouvant ses vieux amis. Et pour ma part, cela me suffit déjà amplement !
Alors, commençons par le début : nous retrouvons Roland et son
ka-tet juste après la fin de
Magie & Cristal, en route vers le chemin des Callas. Je sais pas pour vous, mais moi dès les premières lignes, je me suis retrouvé dans l'Entre-Deux-Mondes : ces parfums, ces paysages, cette atmosphère si particulière (SK n'oubliant pas, au détour d'un paragraphe, de nous rappeler les aventures passées de nos personnages).
On avance un peu avec eux jusqu'à la Whye - aaah, doux souvenirs ! - et puis on fait la connaissance d'un vieux passeur, qui rappelle à Roland quelques signes annonciateurs du coup de givre à venir... Là, très rapidement on sent un sentiment d'urgence monter (typique de la TS) et puis ça y est, Roland et ses amis trouvent un abri contre la tempête. C'est à ce moment que le pistoléro entreprend de leur raconter deux histoires en une, histoire de faire passer le temps d'ici l'aube. C'est là qu'on sent la première petite frustration : c'est bon de retrouver notre ka-tet préféré, mais 30 pages à peine ça laisse quand même sur sa faim - même si on s'y préparait à l'avance...
Mais ce n'est que pour mieux retrouver Roland plus jeune, peu après son retour de Mejis. J'ai trouvé intéressant que SK relie ces deux parties (Roland "vieux" avec le ka-tet 19 et Roland dans sa jeunesse) aux deux parties de Magie & Cristal. Au niveau de la chronologie, c'est bien assez bien fait et on en profite pour découvrir une histoire inédite du jeune pistoléro.
Son père a beau essayer de minimiser l'affaire, on sait qu'il y aura du danger et que Roland devra encore se fier à son instinct et à son discernement. Sur le chemin de Debaria, on fera connaissance avec Jamie, remplaçant ici "Le Plaisantin" et "Pied-Lourd" (j'adore ces surnoms !
). Un peu déçu de ne pas retrouver les deux amis de Roland, auxquels on s'était bien attaché, mais c'est bien aussi un peu de changement, nan ? Alors oui, sur le moment légère déception de ne pas retrouver Cuthbert et Alain, mais on passe vite dessus pour découvrir la suite. L'arrivée à la retraite de Sérénité puis à Debaria m'a rappellé l'arrivée du jeune ka-tet à Hambry : on fait connaissance avec les différents personnages, les lieux et tout doucement, la magie propre à la série commence à opérer. On y entend à nouveau ce patois typique et si charmant à sa façon ("oui-da, si fait", "par ma montre et mon billet !" ou autres "il y aura de l'eau, si Dieu le veut"), les petites particularités locales (Debaria et Little Debaria, les Salés, le Pur-d'En-Haut et Pur-d'En-Bas, etc) et cette petite atmosphère fantastique et sanglante laissée par le Garou derrière lui. C'est à partir de là que j'ai vraiment commencé à accrocher. Autant à la base j'étais pas vraiment convaincu par cette histoire de change-forme, autant lorsque SK prend son temps pour poser le décor, je n'ai eu aucun problème à rentrer dedans.
Les choses s'accélèrent lorsque la créature frappe à nouveau, le nuit même de l'arrivée des Pistoléros. Quelques jolies descriptions sanguinolentes plus tard, Roland et Jamie découvrent le petit Billy, seul survivant du massacre. En chemin, Roland lui fait son petit tour de passe-passe hypnotique et là encore, je me souviens avec plaisir de certains passages de Magie & Cristal et je sens la machine commencer à se mettre en marche...
Les révélations du gamin, le vent qui souffle autour de la cabane (annonciatrice d'une tempête, encore une fois) et ce climat d'horreur latent... En peu de pages, SK arrive à créer une intrigue tendue et une atmosphère particulière, qui m'a rappelé certains des meilleurs passages de la saga.
Mais c'est aussi à ce moment-là que survient une nouvelle petite pointe de frustration, car on sait que ça va être le moment où Roland et Bill vont se retrouver seuls, à attendre. Et durant cette attente, le Pistoléro - comme dans la 1e partie, dans le "présent" de la chronologie de la quête - va raconter au garçon un conte que sa mère lui narrait autrefois.
Petite frustration mais un peu d'excitation, également : que nous réserve donc cette fameuse Clé des Vents ?
Je ne vais pas raconter dans le détail tout ce que j'ai adoré dans ce récit, ce qui m'a fait frémir ou transporté, mon pavé triplerait de taille d'un coup lol
Mais oui, j'ai eu un gros gros coup de coeur pour
La Clé des Vents (qui aurait presque pu s'appeler "Contes et Légendes de l'Entre-Deux-Monde"). Ici, l'auteur du Maine réussit le pari d'inscrire son récit dans la pure tradition du conte, tout en le mixant à l'univers spécifique Tour Sombre. Tout y est : le petit garçon, brave mais meurtri par les drames familiaux, la petite bourgade isolée et proche d'une foret ancienne et terrifiante, un mage ou sorcier (l'élément perturbateur du récit, vous l'intuitez
) tout de noir vêtu, une quête despérée et des légendes, des monstres, des dragons, etc.
Tous les éléments habituels du conte (de fée ou non) sont ici présents, de même que la forme. Les péripéties s'enchainent les unes à la suite des autres et avec ce petit arrière-gout "d'autrefois" qui donne tout son cachet à l'histoire. Ce qui est génial, c'est que l'identité de l'auteur, aussi bien que l'Entre-Deux-Mondes est respectée, sans sombrer dans la facilité du conte plan-plan - certains passages foutent vraiment la nausée, d'autres sont proprement terrifiants. De fait, la balance entre magie, épreuves et cruauté inhérente au format même du conte est ici parfaitement respectée.
SK arrive à donner dans la féerie pure, tandis que le brave Tim s'avance toujours plus loin dans les profondeurs de la Forêt sans Fin. J'ai été très ému par les hommes du Fagonard (et leur destin), autant que flippé lors du passage avec le Dragon - et hilare à la fois pour la situation. Et puis Daria et le Tygre, puis Maerlyn... (cadeau énorme pour les fans de la Tour, quand même ! Maerlyn en personne, troudieux !). Rien que d'y repenser, à rebours, j'ai l'impression d'avoir moi-même vécu une putain d'aventure !
De la magie, de la terreur, des aventures : voilà donc ce qui nous attend dans ce conte de 130 pages environ, dans un environnement original et familier à la fois. Au passage, l'auteur du Maine s'y est également amusé à dispatcher des réferences ou des clins d'oeil à d'autres de ses histoires ou personnages ; aussi bien que des allusions à la Tour Sombre elle-même. Ainsi, Le Collecteur - de qui l'on devine facilement l'identité - laisse un petit mot signé "RF/ML", des tentacules gigantesques nous rappelant The Mist s'échappent d'un gouffre, on croise par-ci par-là du matos North Central Positronics (déjà aussi loin dans l'histoire de cet univers) et plus loin, dans la seconde partie du Garou, on apprend que celui-ci est devenu ce qu'il est d'une façon nous rappelant certains passages de Désolation.
Ah oui, et j'allais oublié la mention par Bix (le vieux passeur de la rivière) à un certain Andy
Bref, SK s'est bien fait plaisir (il nous avait prévenu) et du coup, le lecteur s'amuse lui aussi, tout en dégustant une histoire forte et touchante, dans la grande tradition des contes.
Autant j'ai été un peu frustré par les deux autres histoires (du moins, sur le moment), autant j'ai adoré La Clé des Vents de bout en bout, sans bouder mon plaisir. Probablement l'une des meilleures histoires - conte, nouvelle, roman peu importe ! - que j'ai pu lire de S.King ces dernières années.
Et mine de rien, un récit qui cimente les fondations de l'Entre-Deux-Mondes, à sa façon, avec sa mythologie et son histoire, si vieille, si vieille...
Je me rappelerais aussi longtemps du courage et de la détermination sans faille de Tim. Sa quête, périlleuse et insensée, m'a un peu fait penser à celle de Jack dans le Talisman. Certes, l'échelle de distance n'est pas la même, mais dans un environnement aussi périlleux et monstrueux que la Forêt sans Fin, cela revient à traverser plusieurs galaxies d'affilée lol
C'est un peu de la folie ce qu'a accompli ce gamin, nan ?
Bref !
J'avais dit que j'essaierais de faire un pavé pas trop long lol mais comme vous le voyez, j'ai tellement de choses à dire que j'en suis encore tout chamboulé
Pour la fin des deux histoires laissées en suspens : j'ai bien aimé celle du Garou, même si elle se termine un peu trop vite à mon gout (et sans réel suspense, avouons-le, autant pour nous que pour Roland). Par contre, j'ai beaucoup apprecié la fin de cette partie-là, où Roland en apprend un peu plus sur sa mère... Ca boucle un peu la boucle avec Magie & Cristal (encore une fois ! ) et du coup ça permet de finir sur une note plutôt positive.
A l'image de la toute dernière partie, dans la chronologie "présente" (à peine 3-4 pages) où le coup de givre laisse place à une douce brise. Une note positive qui permet à Roland de se réconcilier avec lui-même et son passé.
J'ai trouvé ça plutôt bien vu, car on y voit bien l'évolution entre le Roland des débuts de la série (froid, dur comme la pierre et peu loquace) et celui plus ouvert et généreux que l'on découvre à partir de Magie & Cristal.
Encore une fois, SK connait son affaire et il permet à ce nouvel episode - certes un peu spécial - de trouver naturellement sa place dans la saga, tout en l'enrichissant à sa manière. Ou du moins, en appuyant et renforçant la cohérence de celle-ci autant dans ses thématiques que dans son "background". Alors oui, c'est sûr, c'est un peu court, mais on était prévenu et le King n'avait aucune prétention sur ce roman, hormis se faire plaisir. Considérons-le comme un bonus, plutot qu'une nouvelle aventure à part entière.
Au final, un très joli coup que cette
Clé des Vents, moins anodin qu'il y parait et un véritable cadeau pour les fans !
J'ai beaucoup aimé et je le re(re-re)lirais avec plaisir, quand je me lancerais dans la relecture de la Tour Sombre !
Bref, que du bonheur
même si je n'aurais pas rechigné à une petite centaine de pages en plus lol naturellement.