Martel, Yann - L'histoire de Pi

Synopsis :
Piscine Molitor Patel, dit Pi, est le fils du directeur du zoo de Pondichéry. Lorsque son père décide de quitter l'Inde, la famille liquide ses affaires et embarque, accompagnée d'une étonnante ménagerie, sur un cargo japonais : direction le Canada. Le navire fait naufrage, et Pi se retrouve seul survivant à bord d'un canot de sauvetage. Seul, ou presque... Richard Parker, splendide tigre du Bengale, est aussi du voyage. Comment survit-on pendant deux cent vingt-sept jours en tête à tête avec un fauve de trois cents kilos ?
C'est l'incroyable histoire de Pi Patel. Fable métaphysique, roman d'aventures, L'Histoire de Pi - vendu à plus de quatre millions d'exemplaires dans le monde - est un miracle tant littéraire que commercial.

Commentaire :
Gagnant du Man Booker Prize 2002, L’histoire de Pi devait inévitablement se retrouver entre mes mains pour que je puisse en faire ma propre idée. Divisé en trois parties – l’enfance de Pi qui nous aide à bien comprendre le la vie dans un zoo, le naufrage du navire et la façon dont il réussit à traverser cette dure épreuve, et la fin de son voyage qui durera plus de 200 jours – qui chacune à leur façon touchera le cœur du lecteur. Son sauvetage n’est donc pas une surprise. En fait, le lecteur s’intéresse beaucoup plus à l’histoire du naufrage et à la survie de Pi sur l’océan pacifique qu’à son sauvetage… tout simplement parce que le récit est raconté à la première personne. Depuis le début, le lecteur sait que Pi survivra, mais le tout est de savoir comment…

Je me dois d’avouer qu’une partie importante en début de roman tourne autour de Dieu et de la religion. N’étant pas moi-même très croyant, une certaine crainte d’être déçu d’avance m’a traversé l’esprit en débutant le livre. Toutefois, je suis bien obligé de dire que, bien que Dieu y tient une grande place, le tout n’est pas dérangeant pour les personnes qui ne s’y intéressent pas. Il est écrit au dos du roman que L’histoire de Pi ne nous fera pas croire en Dieu, mais nous fera croire en la littérature. Et c’est tout à fait ça ! Cette première partie contient inévitablement certaines longueurs mais elles n’alourdissent pas le récit et le lecteur glisse donc dessus avec facilité. Je n’en suis pas sorti en croyant à Dieu, mais en croyant à la vie !

Yann Martel maitrise sa plume parfaitement, décrivant des situations parfois lourdes et difficiles, parfois quelque peu humoristiques, mais toujours de façon aussi efficace tout au long de l’histoire. C’est brutal, tout en étant très original et très captivant à la fois. L’auteur a très certainement travaillé dur pour parfaire ses connaissances sur plusieurs sujets et ça se ressent à plusieurs reprises. Que ce soit pour les termes techniques de navigation ou pour le rapport en l’homme et les animaux, tout est méticuleusement bien travaillé.

La deuxième partie – celle du naufrage et de la survie de Pi – est très certainement la meilleure. L’aventure de ce jeune garçon est vraiment incroyable et, de la façon dont elle est racontée, il nous est si facile de s’attacher à lui, de nous rendre complice avec lui et ainsi accepter tout ce qu’il nous décrit.

Quiconque se laisse aller un tant soit peu sera ravi par cette découverte. Le style de l’auteur - très bien ficelé - est parfois dur, mais accessible à tous par sa limpidité teinté de subtilité et son écriture fluide. Pas de doute possible, ce roman donne son opinion sur la vie et laisse au lecteur une impression incroyable d’après-lecture. De quoi nous faire réfléchir longtemps en refermant ce livre. La force de l’auteur est très certainement le fait qu’on y croit. Et juste pour ça, c’est un bon petit tour de force !

Note : 4/5

C'est un livre que je vais tenter de lire (belle critique qui donne envie), tenter car j'y suis malgré tout réfractaire, tant l'idée de départ est similaire à celle de Max et les Fauves de Moacyr Scliar.
J'ai beau savoir que deux romans aux sujets semblables (chez Scliar, un jeune juif faisant route pour le Brésil se retrouve, suite à un naufrage, sur un radeau de fortune, face-à-face avec un jaguar) seront toujours différents l'un de l'autre, cela continue de me faire tiquer. La faute, je le crois, à la réaction de Martel quand certains ont osé parler de plagiat, une réaction un peu hautaine et incohérente.

A lire tout de même pour le confronter au beau roman de Scliar et me faire un avis définitif.

Je ne connaissais pas cette histoire de plagiat, c'est intéressant

Cela dit, je me suis renseignée vite fait et tous les articles que j'ai lus parlaient plutôt du fait que Scliar a rendu hommage à Martel pour s'être inspiré de son idée en écrivant un autre livre très différent (16 pages sur la confrontation avec le fauve dans le livre de Scliar, contre plus de 200 dans celui de Martel ; tu me confirmeras si ces sources sont exactes ^^). Qu'as-tu lu sur la réaction de Martel ?

Il faudrait que je retrouve les différents sites qui parlent de l'affaire mais dans mon souvenir, Scliar était visiblement étonné que l'idée soit à ce point similaire à la sienne... ses éditeurs avaient même décidé de poursuivre Martel en justice (même si Scliar ne semblait pas du tout motivé à cette idée). Scliar, en effet, était flatté que son roman ait pu donner à un autre l'envie d'écrire mais il aurait aimé être au courant. Selon lui, le vrai préjudice se faisait à l'encontre des auteurs brésiliens (hélas peu reconnus en dehors de leur pays).
Après, comme je le disais, beaucoup de livres se ressemblent (le Rebecca de Daphné du Maurier qui "emprunte" au Jane Eyre de Charlotte Brontë, deux livres, in fine, gothiques) mais il est vrai que cette idée-là (un jeune garçon confronté à un animal sauvage réel ou non en pleine mer ; sachant en plus que la famille de Scliar a elle aussi pris le bateau pour émigrer au Brésil) me semble être une idée très personnelle (du moins, suffisamment originale pour se rappeler qu'elle est de Scliar).

Au début, cela ne me dérangeait pas tout à fait parce que l'on m'avait dit que Martel mentionnait Scliar dans la préface (si je ne me trompe pas) de son ouvrage, en le remerciant pour "l'étincelle de vie" (n'ayant jamais eu son livre entre les mains, je n'ai pas pu vérifier mais je fais confiance à ma source !), même si le terme me heurte dans le sens où c'est plus qu'une petite étincelle qui a été empruntée.
C'est ensuite que j'ai été choquée, quand il a affirmé ne jamais avoir lu le roman (court, en effet ! Plutôt une longue nouvelle) mais une (seule) critique (négative) parue dans le Times et rédigée par John Updike.
Le problème est que personne n'a réussi à retrouver le papier et Updike a dit qu'il ne se souvenait pas de l'avoir écrite, d'autres sources mentionnent qu'il ne se souvient même pas avoir lu le livre.

Je ne critiquerais pas Martel, comme beaucoup l'ont fait, sur son mépris avéré envers Scliar (il semble que la phrase en question ait été sortie de son contexte) ; mais ce qui m'agace, c'est qu'il emprunte l'idée d'un "obscur auteur brésilien" que personne ne connait véritablement (ses livres n'ayant pas - à l'époque - été réédités depuis très longtemps), auteur dont le livre a été descendu par Updike (ou pas).
Et oui, le déroulement n'est pas le même puisque Martel, à ce que j'ai compris, parle de religion (je vulgarise) tandis que le jaguar chez Scliar est une métaphore du nazisme et du pouvoir et de la cruauté humaine.
Ceci dit, je ne remets pas en cause l'engouement de Martel pour ce sujet qui a dû lui donner beaucoup de joie.

Je me rends compte tout en écrivant que cela me fait penser aux producteurs avides de remakes, dont les propos sont généralement (je vulgarise de nouveau) : "ce film est nul mais il a du potentiel."

Je voulais poster quelques liens évoquant l'affaire mais en tant que nouveau membre, je n'en ai pas encore le droit.

(Et mille pardons pour cet interminable message !)

Je n'étais pas du tout au courant...

Effectivement c'est assez courant j'ai l'impression cette tendance à "s'inspirer" des autres... Un bel exemple en est La bicyclette bleue qui emprunte beaucoup à Autant en emporte le vent, tout en changeant complètement d'époque et de contexte...