Descriptif Amazon :Casse-pipe suivi du Carnet du cuirassier des touches est un document sur la vie militaire. " Livre capital ", écrivait Roger Nimier, puisqu'il paraît autobiographique. Il s'agit d'un engagé volontaire au 17e régiment de cavalerie lourde, qui arrive dans la nuit et tombe sur une patrouille de l'armée. On n'oublie pas ce peloton, qui court dans l'ombre et se cache pour finir dans une écurie, qui est évidemment celle d'Augias. Les Grecs, toujours les Grecs !
" Le langage saccadé d'un sous-officier furieux qui joue la comédie de la fureur, Céline le reproduit merveilleusement. Jamais il n'a été plus loin dans l'art des jurons, jamais il n'a eu plus de bonheur dans l'excès, car l'excès, en matière de cavalerie et de jurons, c'est la bonne moyenne.
" Ces invocations font la poésie. La caserne du 17e cuirassier est une création comparable à certaines apparitions, au milieu des flots, chez Homère. Elle n'est pas décrite, elle apparaît, elle se dégage lentement de la nuit, elle se révèle à travers la conversation des hommes, humanité pâteuse aux noms bretons, aux grosses moustaches, dont les sabres résonnent contre les pavés : les Bretons sont petits et les sabres sont grands.
" Dans ce vacarme, notre engagé volontaire garde la bonne volonté qui était celle de Bardamu, au temps de ses premiers voyages. "
Avis :Pour découvrir Céline, je voulais lire ce court "roman" qui me paraissait être plus accessible aux néophytes... Je me dis que finalement, j'ai bien fait de ne pas commencer par celui-là car je l'ai trouvé quand même assez difficile à lire avec des termes argotiques dans tous les sens et des phrases complètements éclatées...
Ce qui est marrant chez Céline, c'est la présence constante de la crasse et de la crotte (là, c'est une accumulation fantastique de bouse) dans ses écrits. J'ai l'impression que ce livre est un condensé de ce que fait Céline.
Même s'il n'est pas au même niveau que ces précédentes œuvres, j'ai bien aimé la façon que Céline décrit la vie des engagés. Elle est pitoyable. Elle est montrée sous son aspect le plus cru, le plus sale, le plus immonde. Le ton est d'ailleurs lancé dès le début :
"L'ordre de route je l'avais dans la main... L'heure était dessus, écrite. Le factionnaire de guérite il avait poussé lui-même le portillon avec sa crosse. Il avait prévenu l'intérieur - Brigadier ! C'est l'engagé ! - Qu'il entre ce con là !"Certains passages sont hilarants (encore faut-il être réceptif à l'humour "cracra", moi j'y suis complètement). Qu'est ce que j'ai pu me bidonner avec le pétomane "Le Croach Yves"...
Et d'autres sont magnifiques, surtout quand Céline parle des chevaux qui les frôlent dans la nuit. On y perçoit bien le respect et la terreur qu'inspire cet animal à Céline. On dirait des animaux tout droit sortis à la fois de l'Enfer et du Paradis. Ils paraissent à certains moments, irréels !
Un extrait que j'ai adoré (je crois bien qu'on ne peut pas parler de Céline sans y mettre un seul foutu passage) :
Encore un cheval qui débouche au triple galop... Il fonce... il nous double ventre à terre... Un bolide... Tagadam ! Tagadam ! Tout blanc qu'il était celui -ci... à folle cadence poulopant... la queue toute raide, en comète, toute solide à la vitesse... Il a presque emporté le falot... soufflé au passage... Tagadam ! Tagadam ! Et que je te redouble...Le petit plus : le Carnet du Cuirassier Destouches (quelque peu prophétique...) à la fin du livre qui nous montre un Céline touchant, un Céline encore tout jeune, complètement dépassé par la guerre, en pleine désillusion.