Je viens de le finir et c'est marrant, mais j'aurais presque pu faire un copié/collé de ton message Lucy, et dire "même chose pour moi" lol
Alors oui, dès le début, le menu est aguicheur et on sent les grosses ficelles (influences ?) à la Ca, de Stephen King. Le petit groupe de gosses pré-adolescents se liguant contre une menace maléfique, dans un petit bled paumé en plein milieu des vacances d'été des années 60. Même l'époque où se déroule l'action concorde ! ("presque" allez, dans le book de SK je crois que c'est 1958 ou 57).
De plus, ce roman m'avait été conseillé de longue date, justement par des amateurs du King, et cela faisait donc quelques années que je me le réservais de coté.
Au final, qu'est-ce que ça donne ?
Eh ben, effectivement, il a les qualités de son aîné et tout concorde pour en faire rapidement, dès les premières pages, un de ces petits divertissements horrifiques comme je les aime !
Malheureusement, durant les premières centaines de pages, le roman ne tient pas toutes ses promesses.
Plusieurs raisons à cela :
-Les personnages, pour commencer. Si Stephen King, dans Ça (le "modèle", ai-je envie de dire), arrive à nous attacher à chacun de ses personnages et à nous retransmettre par ses mots toute la magie de l'enfance, Simmons, lui, nous pond des protagonistes plutôt quelconques. Comme tu disais Lucy, au début on a l'impression que ce sont tous les mêmes et on peine à coller un visage ou même une personnalité sur chacun de ces persos. Heureusement, durant le dernier tiers et les événements allant s'accélerant, on commence (un peu mieux) à saisir les caractéristiques, les doutes et les angoisses de chacun et de fait, on comprend mieux leurs motivations.
Mais oui, il manque clairement une personnalisation forte de ceux-ci et on ne ressent pas à travers eux la magie de l'enfance et de ses codes que Stephen King arrive à insuffler dans son chef d'oeuvre. Ici, on sent que malgré l"attachement de Simmons pour ses personnages, il les décrit avec son regard d'adulte et sans cette nostalgie et cette innocence touchante qui rend le book de SK inoubliable. J'ai bien aimé Duane et peut-être Mike, mais sans plus...
-Autre point qui m'a dérangé : l'omniprésence d'éléments théologiques et religieux dans l'intrigue. OK je suis athée et tout le monde a le droit d'avoir ses croyances, mais j'ai du mal avec ces auteurs qui étalent leur foi et leur(s) confession(s) à longueur de page, Dan Simmons compris. Alors dans Endymion c'était plutôt intéressant, car cet aspect débouchait sur de réelles réflexions sur le rapport de l'Homme à la Divinité et la place de l'un et l'autre dans le grand ordre universel - méditations qui nous ramenaient inévitablement au genre humain et ses excès, ses faiblesses mais aussi sur sa force - mais ici, on retombe dans les gros clichés et banalités propres au genre horreur/fantastique. Et blablabla le Mal, et blablabla l'eau bénite et blablabla mon cul...
Désolé si ça choque certains, comme je le disais je suis athée (après avoir été éduqué pendant 16 ans dans un environnement religieux strict et cloisonné - comme ça c'est dit, bam !) et je pense avoir bouffé assez de bondieuseries dans ma vie pour pouvoir m'en abstenir maintenant dans mes loisirs et moments de détente lol
Bref, cet aspect-là m'a profondément fait chier.
-Dernier point, enfin : le ventre mou de l'intrigue. Ben ouais, quoi ! Il y a tellement de bonnes idées et de promesses en début de roman qu'on s'attend vite à un truc de fou. Mais en réalité, les péripéties - du moins, en 1e partie du livre - ne décollent pas vraiment et on attend constamment un petit truc qui nous ferait sourciller... L'auteur prend vraiment son temps (peut-être trop) pour installer l'atmosphère et ses personnages, si bien qu'on a l'impression qu'il ne se passe pas grand-chose durant la première partie de l'histoire.
- Spoiler:
Malgré une ou deux scènes sympa, comme la poursuite avec Duane et le camion équarrissage en plein milieu d'un champ de maïs , ou alors la petite scène marrante de baston mêlée sur le terrain de base-ball.
Mais je l'avoue, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'intrigue - les deux précédents points s'y ajoutant - et je me suis même demandé à un moment si je n'allais pas laisser tomber...
Heureusement, à peu près au milieu de l'histoire
- Spoiler:
avec la mort de Duane
, on arrive alors dans la partie vraiment kiffante. Les choses s’accélèrent, la menace prend forme (bien différente de celle de Ça, au demeurant) et on commence à tourner les pages plus rapidement, presque fébrile.
L'intrigue, haletante, reprend alors ses droits et les tenants et aboutissants commencent à se révéler. On rentre à ce moment-là en plein dans l'histoire et elle ne nous lâche plus. On se rappelle alors du talent visuel et presque "cinématographique" de l'auteur et on suit
le film de l'histoire sans lâcher prise, sur le qui-vive. Par petites touches subtiles, Simmons nous plonge dans ce climat horrifique des années 60 tant attendu et le titre du livre prend tout son sens, ce dernier nous décrivant avec justesse la moiteur poisseuse de ces nuits estivales où le climat étouffant se mêle à la brise terrifiante des événements secouant le petit village ("bourg") de Elm Haven.
La fin est jouissive à souhait et on est presque frustré de la voir arriver aussi vite après toutes ces longues pages d'attente. Mais le plaisir est néanmoins au rendez-vous
Donc voilà, au final : un roman que j'ai apprécié lire, mais inégal. La première partie prend du temps (un peu trop) à nous embarquer, mais une fois le décor et les personnages posés (pas inoubliables - au contraire de ceux de Ça, encore une fois, désolé pour le parallèle mais il est inévitable - mais sympathiques tout de même), on rentre alors dans un roman divertissant, prenant, plaisamment flippant et dantesque dans sa dernière partie, lorsque l'on est réellement confronté au mal qui ronge Elm Haven.
En définitive, un très bon roman que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire, mais pas inoubliable non plus.
Chapeau néanmoins à Dan Simmons, car il reste un auteur que j'apprécie beaucoup !