Pour ma part, ce tome-là de la Tour Sombre marque une petite "cassure" dans le cycle, aussi bien au niveau du rythme et de ce qui s'y passe qu'au niveau de l'orientation que prend l'histoire. Jusque-là, la Tour Sombre et ses 4 merveilleux premiers chapitres formaient un ensemble vraiment uni, mais à partir de celui-ci... je sais pas, l'ambiance est légèrement différente, tout comme la teneur des aventures du ka-tet.
Ce n'est que mon avis perso, hein, mais j'ai du mal à mettre les Loups au même niveau que les 4 premiers.
Peut-être à cause, effectivement, de cette pause forcée à la Calla.
Peut-être à cause du "manque" du Sentier du Rayon (et toutes ses folies), qui se fait bien sentir dans ce roman.
Peut-être aussi à cause de l'accident quasi-mortel de SK, qui l'aura peut-être poussé à conclure sa grande saga plus vite qu'il ne l'aurait fait autrement. De façon un peu précipitée à mon gout (bien qu'il n'y ai rien de baclé dans cet épisode) et peut-être pas aussi mûrement refléchie que les volumes précédents
Il me semble également que la magie inhérente à la série est moins présente dans ce volet, même si on la retrouve toujours ci et là, au gré d'une allusion ou d'un petit tour de passe-passe kingien.
Mais après, ça ne m'a pas empêché non plus d'apprécier Les Loups de la Calla à sa juste valeur et celui-ci a bien sa place dans le cycle, même s'il est loin de figurer dans mes préférés.
Déjà, l'ambiance, pour commencer : la Calla (ou les Callas), regroupement de villages ou de hameaux aux limites de l'Entre-Deux-Mondes, en bordure des contrées ténébreuses de Tonnefoudre, avec ce mélange de far-west en décrépitude et de désert à la Mad Max ; juste ça, j'ai pris mon pied !
Les Crânés sont également une bonne idée scénaristique, permettant de donner un aperçu réel de la menace représentée par les Loups et qui nous inspirent aussi bien pitié que haine viscérale pour leurs bourreaux. A ce titre, j'ai adoré le prologue qui pose merveilleusement bien le décor : un type en train de galérer dans son champ (Fils de Pute, ahah, j'en rigole encore !
), sa fille crânée, une tempête qui arrive et les mauvaises nouvelles accompagnant celle-ci, rapportées par une espèce d'androïde hyper-guindé - un ptit clin d'oeil à Star Wars, en passant ?
Bref, du SK pur jus, qui dès les premières lignes, sait accrocher son lecteur.
Après cette mise en bouche, on retrouvera tous les ingrédients habituels : climats féeriques ou angoissants (selon les moments) paradoxes et anachronismes en tous genres, références à d'autres oeuvres de l'auteur, récits contés au coin du feu (ou presque) sur fond d'apocalypse imminente, etc. Le fan lambda de la TS en aura pour son argent de ce coté-là, on retrouve tout ce qui fait le charme et la force de la série. D'autre part, l'intérêt est réhaussé par la construction du roman, sous la forme de plusieurs sous-intrigues s'entremelant les unes aux autres, alors même que les Pistoléros ne se séparent jamais plus d'une journée ou deux.
Ainsi, on aura droit à quasiment une intrigue par personnage, même si certaines sont plus intéressantes que d'autres.
Perso, je dois dire que j'ai pas accroché des masses à celle de Susannah...
- Spoiler:
OK, c'est déjà plus sympa quand on sait sur quoi va déboucher ce petit arc scénaristique autour de Susannah/Mia, mais en l'état, lors de la lecture, je m'étais plus ennuyé qu'autre chose.
Par contre, du coté de Jake, Roland et Eddie, rien à dire, je me suis éclaté !
- Spoiler:
Et bien que n'ayant pas lu Salem et ne connaissant donc pas le Père Callahan avant d'avoir ouvert ce volume, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire le récit de celui-ci. Tout comme juju, j'ai adoré cette idée d'autoroutes occultes, on a vraiment l'impression d'être à la lisière d'une infinité de mondes et de possibilités. Et d'ailleurs, tant qu'à rester sur Callahan, j'ai bien kiffé aussi la façon de relier son histoire à celle de Roland et Jake, quand Walter transporte ce dernier dans le relais du désert via la 13e noire : j'ai ressenti à ce moment comme une grande montée orgasmique lol
Un autre truc que j'ai beaucoup apprecié aussi, c'est le fait d'en apprendre sur les coutumes et traditions locales, un peu comme l'avait fait l'auteur dans Magie & Cristal, mais de façon ici encore plus poussée. Ainsi, on découvre le délicieux parlé de Calla Bryn Sturgys - nom en hommage à John Sturges, réalisateur des 7 Mercenaires, film ayant inspiré en grande partie ce roman - et son chant rituel, le Commala, célébrant les moissons, les récoltes et la Dame Oriza, dont nous découvrons là aussi les origines. J'ai beaucoup aimé ce mélange de traditions et de légendes - celle de la même Dame Oriza m'avait d'ailleurs beaucoup plu -, qui enrichit à son tour la longue longue histoire de l'Entre-Deux-Mondes.
Quant à la Commala, ce sera l'occasion d'une scène particulièrement surprenante et réjouissante
- Spoiler:
où l'on voit Roland danser et chanter comme un jeune loup : j'ai adoré ce passage, où l'on découvre encore l'une des nombreuses facettes du Pistoléro.
Bref, beaucoup d'excellents points, qui enrichissent aussi bien l'univers que les personnages, les liens entre les différentes histoires et sous-intrigues, pour au final apporter une cohérence insoupçonnée à l'oeuvre, dans son ensemble.
Voilà pour le positif ! (et encore, je suis pas entré dans
tous les détails lol).
Après, c'est vrai que le roman est quand même chiche en action et que le rythme est plutôt pépère, mais je l'ai trouvé également beaucoup plus riche et approfondi, sur bien des aspects, que les romans précédents du cycle.
Il y a donc du bon et du moins bon, mais grâce à ses qualités narratives et ses nombreuses trouvailles, Les Loups de la Calla permet de ne pas s'ennuyer et de passer un très bon moment... Bien sûr, on pourra encore une fois déplorer le fait que le ka-tet fasse une pause sur le Sentier du Rayon et ne laisse de coté l'aspect aventure-exploration de lieux inconnus-dangereux-badtrippants-géniaux (dur dur d'expliquer de telles sensations en si peu de mots lol) et que le ton ne soit pas exactement le même que Les Trois Cartes ou Terres Perdues - qui faisaient vraiment la part belle à l'Aventure -, tout comme la baisse générale de rythme de ce volet.
Mais les personnages évoluent, tout comme leur auteur, et si la Tour m'a ici moins fait rêver qu'auparavant, j'ai néanmoins été pris par ce 5e opus du cycle, qui montre une facette différente de la quête. Moins de rythme, plus de profondeur : pourquoi pas ?
Il y a aussi cette fin (enfin, je parle surtout de la bataille avec les loups), forcément un peu frustrante, mais qui amène aussi son lot de surprises et de clins d'oeils plutôt marrants. Quant aux dernières lignes, elles cloturent le roman sur une palpitante, nous laissant dans l'expectative :
- Spoiler:
Mais où est passée Susannah ? Mia a-t-elle pris le contrôle total du corps de son hôte ? Et le p'tit gars qui a faim ??
En conclusion, je reviendrais sur ce que je disais en début de post : on sent avec cet épisode que la quête de la Tour Sombre prend une orientation légèrement différente, moins nerveuse, moins horrifique et "magique" à la fois (quoique... le dernier volet n'est pas mal loti de ce coté-là), mais plus proche des aspirations du moment de l'auteur et au final toujours aussi passionnante.
J'ai donc moins franchement accroché que les précédents, mais beaucoup apprecié en revanche le travail de recherche de SK sur son univers.
Un volet un peu à part donc, mais qui mérite néanmoins sa place dans le cycle
P.S: Et quand même, big respect pour Andy le robot, l'un des personnages (et pourtant, c'est que de la feraille douée de parole lol) les plus détestables de l'oeuvre kingienne ! J'avais des envies de meurtre à quasiment chacune de ses répliques