Ayé, j'ai fini !
Très bon roman que ce second opus du Talisman des Territoires, même s'il est très différent du premier et qu'on ne l'apprécie pas forcément pour les mêmes raisons. Ici, l'aspect fantasy de
Talisman est complètement passé à la trappe - hormis pour une ou deux broutilles -, en faveur d'un traitement thriller fantastique à l'arrière-gout de polar vraiment réussi. On sent ici que Peter Straub est plus présent, aussi bien par la plume que dans le(s) genre(s) abordé(s).
D'un coté, c'est dommage de ne pas retrouver la magie du premier, mais en même temps l'intrigue est parfaitement huilée et l'ambiance oppressante très réussie. J'ai particulièrement adoré les passages où on sent les Territoires influer sur notre monde jusqu'au dérapage... où l'on ne sait plus vraiment où on est, ni ce qui est sur le point d'arriver. On reprend là un peu cette idée de zone-tampon, dans le premier opus, où l'un et l'autre entrent en collision pour ouvrir une porte directe sur le cauchemar.
- Spoiler:
Le passage, justement dans le premier Talisman, où l'horreur commence à envahir l'internat de Richard Sloat pour créer une atmosphère glauque et cauchemardesque. On retrouve ici la même notion de frontière floue entre les deux mondes, amenant l'horreur et conduisant au fameux dérapage dont il est souvent question dans cette suite.
Et je dois dire que j'ai trouvé ces passages franchement prenants et réussis, à la hauteur des meilleurs passages du premier opus. Du très beau boulot de ce coté-là !
J'ai bien aimé aussi le fait que cette suite soit une réelle suite, avec des nouveaux persos, des nouveaux décors et de nouveaux enjeux. Le style même n'a rien à voir avec celui du Talisman ! King et Straub ne se sont pas contentés de rester sur leurs acquis en balançant juste une suite à-la-vite façon blockbuster américain, avec un synopsis calqué sur le précédent.
Non, ici nous découvrons un "nouveau" Jack Sawyer, une ville loin des lieux visités dans le premier et toute une galerie de personnages inédite, avec une atmosphère et une intrigue très différente des aventures de jeunesse de Jacky-Boy.
D'ailleurs, ces nouveaux personnages sont pour la plupart assez intéresssants, avec mention une spéciale à Henry Leyden, digne héritier d'un certain Wolf. J'ai adoré aussi la bande de bikers, notamment avec le charismatique "Le Pif", maitre brasseur-philosophe, qui casse gentiment les clichés.
Les méchants aussi ne sont pas en reste, même s'ils ne valent pas un Morgan Sloat ou un Osmond (ou Gardener). Peut-être juste un poil moins archétypaux et classes, à leur façon...
Bon, les points positifs ont été abordés, passons maintenant au négatif !
Déjà, la phase de présentation des lieux et des personnages est aussi longue (une centaine de pages ! ) que laborieuse. De plus, j'y ai trouvé le style assez lourd - inutile ici de jeter la pierre sur l'un ou sur l'autre des auteurs : ils partagent autant les mérites que les déconvenues -, souvent avec des petits traits d'humour qui tombent à plat.
Heureusement, ça s'améliore au bout de cette fameuse centaine de pages, notamment avec l'arrivée de Jack Sawyer (assez méconnaissable, au premier abord). Mais là encore, il faudra attendre encore 200 ou 300 pages supplémentaires pour que tous les élements de l"intrigue soient vraiment mis en place.
Pour ma part, je n'ai commencé à accrocher réellement qu'à partir des 350-400 pages.
Autre point négatif, selon moi : la façon dont tout cela se termine, un peu vite, après avoir mis des centaines de pages à se développer. J'aurais attendu quelque chose peut-être d'un peu plus... hum, je sais pas "grandiose" ? "mystique" ? pour finir
- Spoiler:
Ben nan, Tyler tue son ravisseur, se fait chopper par le méchant démon, qui se fait démonter en 3 coups de cuillère à pot par la rescue team qui passait justement par là. Allez hop, pesé et emballé !
Donc, légère déception pour la fin, un peu trop "facile" et précepitée pour moi : légèrement réhaussée cependant par l'épilogue, cruel à sa façon mais également porteur d'espoir... Et de la possibilité d'une suite, pardi !
Au final, je dirais que la qualité d'ensemble de cette séquelle pêche par ses longueurs et ses petites maladresses de style mais le bilan reste tout de même très positif. On retrouve avec plaisir un Jack Sawyer marqué par les épreuves du premier volet, sur fond d'enquête policière dérivant dans le fantastique et l'irréel le plus complet - façon "Opopanax".
En plus, il y a un excellent cross-over avec la Tour Sombre, donnant encore plus de profondeur et extrapolant les ramifications aussi bien de la série que de la Grande Oeuvre Kingienne. De ce coté-là, c'est que du bonheur !
Bref, une très bonne suite, pas vraiment dans la continuité du Talisman initial, mais qui explore d'autres voies pour dévoiler ses qualités et son potentiel. Lu et approuvé