Synopsis :Voici la troisième partie de L'Histoire de la Terre du Milieu.Le lecteur découvrira ici les histoires de Túrin et de Lúthien, deux héros centraux du Silmarillion et des Contes perdus. Le Lai des enfants de Húrin raconte la vie tragique de Túrin Turambar ; le Lai de Leithian (présenté ici en édition bilingue) décrit la quête du Silmaril par Beren et Lúthien et leur face-à-face avec Morgoth. Ce volume comporte également un texte de C. S. Lewis sur le Lai de Leithian et des poèmes fragmentaires.Le commentaire et les explications de Christopher Tolkien décrivent l'évolution de l'histoire des Jours Anciens, qui forme le décor du Seigneur des Anneaux et apportent un éclairage passionnant sur cette œuvre majeure.Avis personnel :Encore une fois, un joli pavé pour les amoureux de Tolkien.
Alors, pour parler franchement, j'ai beaucoup aimé ces deux longs poèmes, mais pour être honnête, j'étais un peu à court de souffle à la fin
Pourquoi ? Eh bien, parce que notre cher ami Christopher Tolkien - dont les interventions éditoriales sont toujours un régal à lire, passionnantes et enrichissantes en ce qui concerne la création de l'oeuvre de son père et l'évolution de celle-ci dans le temps - a jugé bon de partager avec les lecteurs les différentes versions et ébauches de ces longues gestes épiques et poétiques. En théorie, ça me dérange pas (on voit bien l'évolution des personnages, des lieux et des thématiques d'une version/retouche à l'autre), mais à la fin on a fini par lire près de 2 à 3 fois la même histoire. Pour peu que vous vous soyez tapé le Silmarillion, Les Contes et Légendes Inachevées ou Le Livre des Contes Perdus juste avant, l'overdose n'est pas loin lol
Pourtant, si on doit parler de ces poèmes en tant que tels (en omettant le fait qu'ils ne soient pas terminés, là encore grande frustration), c'est un vrai plaisir à lire !
Je ne suis pas très poésie en temps normal. Bien sûr, je n'ai pas échappé aux quelques classiques qui me sont passés sous la main (Verlaine, Baudelaire, Hugo, Rimbaud) et bien que quelques uns m'aient plu, ce n'est pas le genre de lectures qui me font grimper au plafond, ni ce qui m'attire le plus en matière de littérature. La poésie est un art exigeant, aussi bien en ce qui concerne le poète lui-même que pour celui lira ses lignes. Il faut se mettre en condition, goûter la musique des mots, lire et scander à voix haute pour trouver le rythme et souvent relire des mêmes passages pour en éprouver toute la richesse sémantique... Mais voilà, j'ai beau ne pas être un ferveur amateur de vers, je reste profondément attaché à l'oeuvre et à l'univers de Tolkien, qui me font toujours vibrer dès les premières lignes.
Ainsi, passé les premières lignes d'adaptation, on s'immerge vite dans l'histoire (qui commence déjà à nous être familière, si on connait un peu Tolkien) et on prend de nouvelles marques dans celle-ci, comme si on la redécouvrait sous un angle nouveau. Ce qui est d'ailleurs le cas, puisque le style choisi permet de travailler davantage sur les jeux de sonorités et d'atmosphères, insistant ici sur le coté guerrier, ici sur le caractère bucolique d'un paysage, etc.
Certains traits de caractères de personnages sont plus mis en avant, d'autres sont modifiés, mais dans les grandes lignes on retrouve la trame globale des Enfants de Hùrin et de Beren et Lùthien (nommé Le Lai de Leithian). On retrouve aussi dans ces deux longs poèmes (comptant chacun plusieurs
milliers de vers) le ton solennel et lyrique à la fois du Silmarillion, à contrario des facéties légères et bon enfant des Aventures de Tom Bombadil. Encore une fois, la plume raffinée et inspirée de Tolkien est un régal à lire et si on sent parfois de petits couacs par-ci par-là, ce sont à mon avis plus des erreurs ou approximations dûes à la traduction elle-même...
Le Lai des Enfants de Hùrin est écrit en vers allitératifs, ce qui concentre le caractère poétique surtout dans les répétitions de sonorités ou de syllabes au sein d'un même vers, rendant certains passages assez grisants là où d'autres se font plus subtils (là encore, relire certaines séquences n'est pas un luxe). Dans le Lai de Leithian, ce sont des distiques octosyllabiques - ne me demandez pas ce qu'est un distique, j'en sais foutre rien mdr - qui permettent de "formater" si on veut les vers les uns par rapport aux autres et j'ai trouvé cette formule-ci plus facile à lire et adaptée au style poétique du récit. Simple préférence personnelle, mais de toutes façons, une fois acclimaté aux structures de ceux-ci, on ne fait plus vraiment attention à la forme pour se concentrer sur le fond.
Et là, encore une fois, le voyage est au rendez-vous (malgré quelques répétitions un peu dérangeantes par moments, mais rien de grave).
Peut-être encore un petit problème de traduction et d'ailleurs, j'ai pas eu la patience ni le courage de lire toutes ces pages, mais pour Le Lai de Leithian, nous avons une version bilingue du poème, qui nous montre bien la richesse et la musicalité sans pareille de la langue initiale de l'auteur. Après quelques pages lu en VO, j'avais l'impression, en revenant à la traduction - que je comprenais certes bien mieux lol - de lire un truc fadasse et grossier. Essayez, vous verrez ; la différence est réellement frappante !
Autre point d'intérêt de ce volume, un peu plus anecdotique, mais très sympathique néanmoins : La critique d'une partie du Lai de Leithian par C.S. Lewis (l'auteur des Chroniques de Narnia, grand ami de Tolkien). Très drôle et ponctuée de propositions de réécriture de certains passages où l'on voit bien la différence de style entre les deux auteurs et qui m'a fait me poser la drôle de question "à quoi aurait pu ressembler Le Seigneur des Anneaux écrit par Lewis"? Pas sûr que j'aurais autant apprécié lol
Tout ceci est complété par quelques (courts) poèmes connexes à ces deux histoires qui montrent encore une fois toute la cohérence du travail de Tolkien mais aussi la façon dont celui-ci préparait son oeuvre par petites touches. Et cela nous fait regretter encore une fois qu'il n'ait pas eu plus de temps pour la finaliser, car ces deux récits, écrits à la façon des gestes anciennes emplies de mythologie, de bravoure et de romance, auraient pu devenir de sacrées œuvres, une fois terminées...
Mais au final, j'ai beaucoup apprécié cette lecture, quoique un peu difficile à digérer vers la fin, après avoir lu les différentes versions - qui nous donnent l'impression d'avoir lu plusieurs fois la même histoire, à quelques (mineures) variations près.
A lire donc, mais je le conseillerais surtout aux tolkienistes avertis
(presque 800 pages, quand même, hein !)