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 Incubus Inc. [texte court]

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Steve
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Steve


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Incubus Inc. [texte court] Empty
MessageSujet: Incubus Inc. [texte court]   Incubus Inc. [texte court] Icon_minitimeMar 11 Déc - 13:59

Un petit texte parodique sur les vampires, que j'avais écrit il y a quelques années pour un atelier d'écriture (je savais pas trop où caser ça, entre "texte" ou "nouvelle").
Si ça arrive à vous arracher un petit sourire, ce sera déjà ça de gagné Wink

_____________________


INCUBUS INC.

Petites Quenottes pénétra d'un pas timide dans le bureau de son supérieur, Lester Tatin (que ses collègues nommaient plus généralement par son diminutif « Les »). Un tableau figurant un homme vêtu d'une cape et à la tête invisible trônait sur le mur en face de la porte. Douce excentricité que son propriétaire pouvait bien s'offrir, celui-ci étant le maître des lieux et le patron de toute une petite compagnie.
Ce dernier invita l'employé à s'asseoir d'un geste aimable.
-Bonjour à vous, mon petit, salua Tatin d'un ton paternel. Quel plaisir de vous revoir !
-B...bonjour, moi de même, répondit-il servilement.
-Comment allez-vous?
Son subordonné affirma, en s'entortillant nerveusement les doigts, qu'il allait parfaitement bien et qu'il était ravi d'être de retour.
-Bien. Alors, est-ce que la récolte a été bonne?
-Je... eh bien... environ un demi-litre, peut-être un peu moins, peut-être un peu plus...
Et joignant le geste à la parole, il déposa sur le bureau en chêne massif une poche de plastique remplie de sang. Le Président-Directeur-Général garda le silence quelques instants, puis transperça son employé d'un regard noir.
-C'est une plaisanterie? s'envenima-t-il soudain. Vous me dîtes qu'après une mission de plus de trois semaines sur le terrain, vous me revenez avec à peine de quoi remplir le biberon d'un nourrisson ?
Avec une maladresse comico-burlesque, l'intéressé tenta d'apaiser l'humeur volcanique de son patron en lui expliquant qu'il avait manqué de chance, que ses victimes étaient soit trop rusées ou trop rapides pour un suceur d'hémoglobine aussi peu expérimenté que lui, et blablabla...
Toujours le même refrain, avec les nouveaux !
-La dernière en date, poursuivit-il d'un ton plaintif, m'a dit qu'elle avait vu trop de films de vampires pour se faire avoir aussi bêtement et que...
-Sot! N'utilisez plus jamais ce mot en ma présence, ou de qui que ce soit d'autre ! Mais que vous apprend-on donc à l'école ? Ne connaissez-vous pas le règlement ?
Il désigna d'un doigt vengeur un panneau de liège où étaient dictées les lois de leurs semblables. Et effectivement, en quatrième position, entre « Ne jamais demander l'heure à un lycanthrope » et « Ne jamais se recoiffer devant une glace lors d'un rendez-vous », était inscrite clairement la mention « Ne jamais prononcer le Mot Proscrit ».
Quelle plaie, ces apprentis ! Pourquoi je me coltine toujours les pires ? pensa Tatin, au comble de l'exaspération.
Celui-ci contourna ensuite le bureau et vint se poster à la gauche du dénommé Petites Quenottes – surnom aussi ridicule que son apparence – , lévitant légèrement au-dessus de la moquette en poil de troll tchèque.
-Avez -vous au moins appris quelque chose, durant cette expédition? l'encouragea-t-il, blasé et indulgent à la fois.
Le novice hocha benoîtement la tête, ses minuscules canines luisant faiblement dans la pénombre de la pièce, telles deux gemmes occultées par un voile de satin.
-Oui, monsieur! Nous pouvons grimper à la verticale sur les murs et les plafonds et sommes capables d'imiter les ululements des bêtes nocturnes pour tromper nos proies ou nos ennemis.
Mais c'est pas vrai, quel imbécile ! se consterna intérieurement son patron. Ça défie toutes les lois de l'imagination...
C'était le genre de trucs élémentaires qu'on apprenait en premier cycle : même un gamin analphabète de six ans aurait pu lui répondre de même (et encore, il en aurait eu honte !).
Enthousiaste, la nouvelle recrue continua sur sa lancée :
-Nous pouvons voler et courir plus vite qu'un véhicule et j'ai même entendu dire que certains vampires...
-Taisez-vous donc, bougre d'abruti à la cervelle aussi ramollie qu'un Van Helsing de supérette ! Vous avez encore une fois utilisé le mot interdit, ça vous fera un mois de salaire en moins. De plus, sachez que nous, Peuple de la Nuit...
-Mais voyons, il n'est même pas deux heures de l'après-midi, le coupa l'heureux idiot, son visage s'enrobant d'une mimique de stupéfaction ahurie qui aurait pu faire pleurer de rire, en d'autres circonstances.
-LES DIEUX MAUDISSENT VOTRE CONFONDANTE STUPIDITE ! hurla Tatin, poussé dans ses derniers retranchements. SILENCE, SILENCE, SILENCE !!!
Les veines saillantes de son front et de ses tempes se découpaient sur sa peau livide, vermisseaux bleutés rampant sur un autel de marbre immaculé, palpitant au rythme de sa rage et de son impatience. Finalement, il réussit à reprendre le contrôle de ses nerfs mis à rude épreuve par l'imbécilité galopante de son interlocuteur et revint s'asseoir à sa place, d'un petit vol nonchalant.
-Excusez mon accès de colère, reprit-il d'une voix mélodieuse et agréable. J'oublie parfois qu'il faut un minimum de temps pour apprendre les ficelles et les subtilités du métier... et que certains sont également plus rapides que d'autres.
Vaguement apeuré par l'attitude de son employeur, l'autre se contenta d'acquiescer sans mot dire.
-Ramenez-moi un litre de de première qualité le mois prochain et je saurais pouvoir compter sur vous. Maintenant, vous pouvez disposer.
Il le congédia d'un geste et attendit et que celui-ci aie franchi le seuil de la porte pour contacter sa standardiste via l'interphone.
-Elvira, veillez donc à ce que ce chasseur obtienne une petite prime d'encouragement. S'il me déçoit à son retour, je veux son coeur saignant sur mon bureau dès qu'il aura passé les portes.
-Bien, monsieur.
Un léger rictus retroussant ses lèvres, il se dirigea ensuite vers la baie vitrée surplombant l'entrepôt en contrebas. Des groupes d'ouvriers affairés s'attelaient à emballer, préparer et conditionner des sachets d'hémoglobine de toutes tailles, ainsi que des morceaux de chair humaine encore fraîche, qu'ils enverraient sous peu aux richissimes clients les payant grassement pour ce service rendu. Tout cela dans la plus stricte confidentialité, naturellement. La plupart étaient des célébrités désireuses de préserver leur entourage de leur nature perverse et leurs vices secrets – ce pourquoi ils s'adressaient à cette insolite entreprise : chanteurs mondialement connus, présentateurs-TV cachant leurs origines vampiriques derrière dix tonnes de maquillage, bimbos et starlettes du grand écran, etc...
Un trafic juteux qui marchait du tonnerre !
Satisfait, Les Tatin enclencha de nouveau le commutateur de l'interphone et communiqua ses instructions :
-Chère Elvira, faites venir une jeune pucelle dans mes quartiers et remplissez-moi donc une baignoire d'AB négatif, voulez-vous ? Je vous remercie.
Puis, il s'installa confortablement dans son siège, dos à la porte, et contempla le « portrait » de son ancêtre, qu'un artiste facétieux avait probablement jugé amusant de peindre en prenant pour modèle son reflet dans le miroir.
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